Voici bientôt 20 ans, j'ai réalisé un film sur la lutte pour la vie au sein d'un hôpital public en Guinée « Donka, radioscopie d’un hôpital africain » qui a reçu les plus grandes distinctions internationales : Golden Gate Award (San Francisco), Best Documentary of the Year au IDA à Los Angeles, Meilleur Long Métrage Documentaire Européen remis par Média, etc. Il fut diffusé par de nombreuses chaînes de TV, en Europe, au Japon et aux USA. Depuis lors, la question de la santé, de la lutte fondamentale pour la vie n'a cessé de m'interpeller. Dix ans plus tard, à l’occasion d’un autre film tourné en Afrique, « Congo River », j’ai remonté le fleuve et l'histoire de ce grand pays dont je suis devenu en quelque sorte le chroniqueur depuis une vingtaine d'années. Lors du tournage à Kindu, j'ai filmé la tragédie de ces femmes victimes de viols et de mutilations visant à déstructurer la cohésion sociale des familles et des communautés dont elles étaient issues. J’avais non seulement récolté de très nombreux témoignages de victimes mais aussi des témoignages insensés des violeurs, en l'occurrence les miliciens May-May qui revendiquaient cette attitude et se définissaient eux-mêmes comme des chiens enragés capables de la violence la plus extrême, y compris sur des femmes sans arme. C'est ainsi que j'ai suivi l'itinéraire d'un autre docteur dans une province voisine du Kivu, au cœur de cette région des grands lacs, théâtre depuis bientôt 20 ans de violences politiques, de luttes fratricides, de guerres ethniques dont les femmes sont parmi les principales victimes. J'ai alors pris connaissance du travail exceptionnel réalisé par le Docteur Mukwege, avec détermination, courage, obstination. Depuis, il est devenu une personnalité internationale. Ce projet était donc plus qu'évident, d’autant que le docteur Mukwege est une personnalité hors du commun, un exemple non seulement africain mais mondial de ce que sont l'engagement humanitaire, le courage politique, la détermination à lutter contre les ténèbres au péril de sa vie. Après mon dernier film sur le pouvoir et l'ambition politique « L'irrésistible ascension de Moise Katumbi », j’ai voulu faire un portrait d'un homme qui se bat quotidiennement et au péril de sa vie contre ces forces obscurantistes, un exemple pour l'Afrique, un de ces hommes qui font la fierté et l'honneur de ce continent africain à l’égal d’un Nelson Mandela. En toile de fond, l’on retrouve les thèmes abordés dans mes films précédents et en particulier cette guerre économique sur fonds d’intérêts mafieux pour s’approprier les richesses minières du Kivu (coltan, or, étain) mais également les terres exceptionnellement fertiles.
Cinéaste, photographe et journaliste, des mines de charbon aux prisons, du Brésil et du Maghreb à l'Afrique noire, Thierry Michel dénonce les détresses et les révoltes du monde, mêlant parfois fiction et réalité. Né le 13 octobre 1952 à Charleroi en Belgique, dans une région industrielle surnommée “Le Pays Noir”, Thierry Michel engage à 16 ans des études à l'Institut des Arts de Diffusion, à Bruxelles.
En 1976, il entre à la télévision belge où il réalise de nombreux reportages de par le monde. C'est ensuite le passage au cinéma. Il va alterner deux longs-métrages de fiction et de nombreux documentaires internationalement reconnus, primés et diffusés. Parmi ceux-ci "Gosses de Rio", "Zaïre, le cycle du serpent", "Donka, radioscopie d’un hôpital africain", "Mobutu, roi du Zaïre", "Iran sous le voile des apparences", « Congo River », « Katanga Business », « l’affaire Chebeya, un crime d’Etat ? ».
Thierry Michel est aujourd’hui professeur et enseigne le « cinéma du réel » à l’Institut des Arts de Diffusion et à l’université de Liège.Il est l’auteur de deux livres de photos/texte sur l’Afrique et dirige également de nombreux séminaires sur l’écriture et la réalisation documentaire de par le monde.
Site officiel : http://thierrymichel-cineaste.com/