Lorsque, voici deux ans, le Docteur Denis Mukwege reçut le prix de la Fondation Roi Baudouin, Louis Michel me suggéra de réaliser avec lui un « livre interview », et, trouvant que cette idée était excellente je la mis en chantier. Je connaissais déjà le Docteur pour l’ avoir rencontré et interrogé à l’occasion de mes nombreux reportages au Sud Kivu et quelques mois après la cérémonie de remise du prix, j’ai passé deux semaines à Bukavu, rencontrant longuement le médecin chef de l’hôpital de Panzi au cours d’entretiens qui me permirent de mieux connaître le docteur, l’homme, le pasteur, le père de famille, le citoyen. Le livre « l’homme qui répare les femmes » est le fruit de cette rencontre avec un homme dont l’histoire personnelle témoigne aussi des deux dernières décennies au Kivu, marquées par la guerre, la violence à l’encontre des femmes, une politique de terreur systématique. Après la publication du livre, j’ai été frappée par les qualités de thérapeute du docteur, mais aussi, présentant le livre avec lui à Kinshasa, par sa capacité de mobilisation des consciences, son éloquence, sa force de conviction. Je me fis alors la réflexion que cet homme avait procédé par étapes : d’abord médecin, humanitaire et humaniste, il se résolut, à un moment donné, de passer à la vitesse supérieure et de faire appel à l’opinion publique internationale afin que le martyre des femmes du Kivu soit médiatisé, connu du plus grand nombre et désormais jugé intolérable par la « conscience universelle », jusqu’à ce que les « grands de ce monde » se sentent obligés, enfin, de mettre fin à ce scandale. Le témoignage de cet homme a secoué, l’a mis en danger, a suscité autour de lui une sorte de ferveur, à tel point que Mukwege, devenu un héros international est aussi pratiquement assigné à résidence dans son hôpital, craignant pour sa sécurité… La vie de cet homme aurait pu inspirer un autre livre, un roman par exemple mas j’ai eu l’envie d’en faire un film, en collaborant initialement avec Thierry Michel Nos atouts sont évidents : Thierry et moi connaissons bien le Congo. Si mon expérience est celle de la presse écrite et des livres, je connais un peu le monde du cinéma pour avoir déjà produit avec Yvon Lammens « l’or noyé de Kamituga », et, bien avant, un documentaire avec Jean Jacques Péché et un autre avec Manu Bonmariage et à chaque fois j’avais apprécié cette collaboration, la richesse du travail d’équipe.
Co-auteur du film avec Thierry Michel, Colette Braeckman est une journaliste belge. Elle est membre de la rédaction du journal belge francophone Le Soir, en charge de l’actualité africaine et plus particulièrement de l’Afrique centrale. Elle est également chroniqueuse dans des revues et magazines, dont Le Monde diplomatique. Elle a écrit de nombreux ouvrages, notamment sur le Congo, les enfants soldats et le génocide rwandais.